ToxicFree interpelle les parlementaires pour remettre la question des perturbateurs endocriniens, et leur rôle dans le développement de maladies chroniques, au centre des débats sur le Covid-19

Résumé des faits

Les risques que représentent les perturbateurs endocriniens sur notre santé et pour l’environnement imposent d'agir rapidement. Parmi leurs nombreux aspects menaçants, leur rôle de facteurs aggravants dans le développement de maladies chroniques est aujourd'hui mis en lumière par le Covid-19.

 

Résumé des demandes

Pour réduire notre exposition à ces substances, ToxicFree vous adresse trois demandes :

  • Mettre sur pied une planification nationale d’information et de réduction de l’exposition de la population aux perturbateurs endocriniens.
  • Veiller à ce que le rapport final du projet pilote de biosurveillance, attendu pour fin 2020, fasse clairement état des perturbateurs endocriniens.
  • Accentuer la protection des groupes à risque, liés aux phases de développement et de croissance pour lesquels le système hormonal joue un rôle prépondérant : enfants, adolescents et femmes enceintes.

 Le 30 juillet 2020

Mesdames, Messieurs,

 

La situation exceptionnelle que nous avons vécue aujourd’hui a requis des actions rapides pour endiguer la pandémie, ce qui a pu être mis en place au cours des derniers mois. Cependant, elle met également en exergue des problématiques qui s’établissent sur la durée et qui fragilisent depuis de nombreuses années la santé de la population en favorisant le développement de maladies chroniques. Parmi elles : les perturbateurs endocriniens (PE).

 

Au regard de notre vulnérabilité face au Covid-19, accentuée par les PE1, 2, 3, mais plus largement pour toutes les conséquences néfastes qu’ils induisent pour notre santé et celle de nos enfants, il est impératif que la problématique des perturbateurs endocriniens soit traitée en profondeur et que des solutions puissent être rapidement mises en œuvre pour limiter l’exposition des citoyens à ces substances toxiques.

 

En effet, omniprésents dans notre quotidien, les PE sont célèbres pour leurs propriétés recherchées et utilisées dans de très nombreux produits courants (alimentation, emballages, jouets, cosmétiques, mobilier, vêtements, etc.), mais ils sont aujourd’hui aussi connus pour leurs effets néfastes sur la santé, représentant notamment des facteurs aggravants dans le développement de maladies chroniques. Parmi ces maladies on retrouve entre autres l’obésité, différents types de diabètes, des cancers, des troubles cardiaques et du système immunitaire, ou encore des maladies pulmonaires4, 5, 6.

 

Les perturbateurs endocriniens nous fragilisent face au Covid-19

La situation actuelle doit nous faire réagir pour lutter plus efficacement contre les éléments qui affaiblissent nos capacités. En effet, les maladies chroniques, en plus de leurs impacts directs sur notre santé, sont reconnues comme un facteur probant de vulnérabilité face au Covid-19. Validé par de nombreuses instances internationales, de même que l’Office fédéral de la santé publique7, on sait que le virus est plus dangereux pour certaines catégories de la population, dont les personnes qui souffrent de certaines maladies chroniques, car elles peuvent développer une forme sévère de maladie liée au Covid-19.

 

Des propos du chimiste toxicologue français André Cicolella8 résument d’ailleurs parfaitement la situation : « la pollution (pesticides et perturbateurs endocriniens notamment) démultiplie les cas de maladies chroniques, estime-t-il. En France, j’ai calculé qu’entre 2003 et 2017, l’augmentation des affections de longue durée — essentiellement des maladies chroniques — était dix fois plus rapide que celle de la population. Cette progression ne peut pas s’expliquer uniquement par le vieillissement. La cause, ce sont les maladies environnementales. Donc, nous avons une population plus fragile face au virus, raisonne le toxicologue. Si nous avions moins de maladies chroniques, nous aurions moins de malades du coronavirus qui finiraient à l’hôpital9 ». Le rôle des PE quant à l’aggravation des maladies chroniques et donc du Covid-19 est une réalité qui se retrouve également en Suisse.

 

Améliorer la santé de la population pour mieux résister face aux prochaines épidémies

Il est aujourd’hui urgent de réduire notre vulnérabilité face au Covid-19, mais aussi de se préparer à faire face aux inévitables futures épidémies. Pour cela, réduire de manière considérable notre exposition aux PE est une nécessité urgente. Leurs effets néfastes se faisant sentir à moyen et long terme, on ne peut pas attendre plus longtemps ; la population doit être impérativement mieux protégée de leur exposition.

 

Bien que des facteurs environnementaux et génétiques sont mis en cause dans le développement de maladies chroniques. Seulement, comme le rappellent L. Birnbaum & J. Heindel1 : « nous ne pouvons pas changer nos gènes, mais nous pouvons changer notre environnement. »

 

Réduire drastiquement et globalement notre exposition aux perturbateurs endocriniens

Une stratégie de réduction de l’exposition aux PE doit être établie à l’échelle nationale, afin de réduire de manière draconienne les effets néfastes qu’ils induisent, directement ou indirectement.

 

  • ToxicFree demande aux autorités d’accentuer la priorité donnée à la problématique des PE pour mettre sur pied une planification nationale d’information et de réduction de l’exposition de la population aux perturbateurs endocriniens.
    En réponses à diverses interpellations, motions et postulats à propos des PE10, le Conseil Fédéral renvoie sur certaines mesures déjà en place ou en cours de développement, comme des réglementations interdisant certaines substances reconnues comme des PE, la « Stratégie Santé 2020 », à laquelle est lié un projet pilote de « biosurveillance humaine ». Seulement, même avec ces mesures, les PE ne font pas encore l’objet de plans nationaux qui leur sont entièrement consacrés, alors même qu’ils sont une préoccupation majeure en termes de santé. Par exemple, sur les 92 activités présentées dans la Stratégie Santé 202011, aucune ne concerne les PE comme un sujet à part entière. Les 7 offices fédéraux et autres organismes membres du groupe de travail interdépartemental dédié aux PE, concernés de près par la problématique, pourraient être un des leviers les plus importants pour remonter l’information de l’urgence liée aux PE. La complexité de la problématique ne doit pas être une excuse pour ne pas s’emparer pleinement du sujet.


  • ToxicFree demande aux autorités de veiller à ce que le rapport final du projet pilote de biosurveillance, attendu pour fin 202012, fasse clairement état des PE.
    Comme l’indique le Conseil fédéral en novembre 2019 dans son avis10e à l’interpellation « Perturbateurs endocriniens. Quelles connaissances pour quelle stratégie ? », « [l]'ampleur des risques liés aux PE dépend également du niveau d'exposition. Ce dernier pourrait être déterminé, du moins en partie, par l'étude de biosurveillance humaine au niveau national ». Il sera alors nécessaire que le rapport de la phase pilote établisse les possibilités d’études sur les PE, si le programme venait à être conduit à l’échelle nationale, afin que les autorités aient en main les éléments nécessaires pour se positionner et pour agir au plus vite vis-à-vis des PE.

    Par ailleurs, les effets des PE ne sont pas tous détectables rapidement car ils agissent souvent après plusieurs années. Dans une phase pilote qui se déroule sur 3 ans12, et moins si l’on ne tient compte que du temps consacré à la récolte de données et aux analyses, comment s’assurer que les résultats liés aux PE soient bien pris en considération ? Et s’ils ne le sont que partiellement, comment intégrer cette question dans la justification du déploiement ou non du projet à l’échelle nationale, puis dans l’intégration des PE aux études à venir, et enfin dans les méthodologies qui seront appliquées par la suite ?

  • ToxicFree demande aux autorités d’accentuer la protection des groupes à risque, liés aux phases de développement et de croissance pour lesquels le système hormonal joue un rôle prépondérant : enfants, adolescents et femmes enceintes.
    Comme l’indique le groupe de travail interdépartemental sur les perturbateurs endocriniens13 : « [c]hez l’être humain comme chez l’animal, l’exposition aux perturbateurs endocriniens pendant la période embryonnaire et fœtale puis pendant la puberté est particulièrement critique. Ce sont des phases du développement au cours desquelles l’organisme est très sensible aux perturbations de l’équilibre hormonal. Les perturbateurs endocriniens peuvent traverser le placenta et parvenir jusqu’au fœtus, ou être transmis au nourrisson par le lait maternel. Dans ce contexte, la protection de la mère et de la jeunesse occupe une place primordiale. ». Il est alors urgent que des mesures plus strictes soient mises en place pour protéger ces groupes. Qu’en est-il du devoir des autorités à protéger sa population, notamment dans des périodes vulnérables comme les périodes de croissance ?

    Pour sa part, comme d’autres associations engagées pour la préservation de la santé de toutes et tous, et pour la préservation de l’environnement, ToxicFree agit en ce sens. Un exemple : sa collaboration avec la Ville de Lausanne pour la réalisation d’un programme de sensibilisation et d’actions spécifiques afin de limiter l’exposition des enfants aux perturbateurs endocriniens dans les centres de vie enfantine14 ; un projet qui a vocation à être étendu à d’autres communes, et qui aurait intérêt à l’être à d’autres cantons.

Nous appelons nos élus à agir pour la santé des citoyens !

A la lumière de ces informations, il n’est pas envisageable que cette problématique, si complexe et impliquant tant de substances qui nous entourent, se règle uniquement par de la sensibilisation pour favoriser les actions citoyennes et les changements de comportements. Il est aujourd’hui plus que nécessaire que l’État renforce la protection des citoyens face aux PE et travaille rapidement à trouver des solutions concrètes et d’envergure pour réduire l’exposition de l’ensemble de la population.

 

En parallèle, il est bien entendu nécessaire de poursuivre l’information et la sensibilisation auprès des citoyens de la nécessaire réduction de leur exposition aux PE pour que les gestes quotidiens puissent tout de même changer au plus vite, notamment sur les aspects de l’alimentation, des désinfectants, des cosmétiques ou encore des produits ménagers ; ce à quoi s’attache entre autres ToxicFree.

 

En espérant que cette interpellation saura trouver un écho auprès des élus et des institutions fédérales.

 

Sara Gnoni, présidente de ToxicFree


Références :

1

Article de Jerrold J. Heindel and Linda S. Birnbaum dans Environmental Health News, intitulé « Endocrine-disrupting chemicals weaken us in our COVID-19 battle: Linda S. Birnbaum, Jerrold J. Heindel » (23 avril 2020)

https://www.ehn.org/chemical-exposure-coronavirus-2645785581.html?rebelltitem=3#rebelltitem3

Communiqué de presse du Réseau Environnement Santé : «Covid-19 : une épidémie peut en cacher une autre (N°5) – Covid-19 et hypertension » (23 avril 2020)

http://www.reseau-environnement-sante.fr/wp-content/uploads/2020/04/CP-RES-COVID-19-Hypertension-23-avril-2020.pdf

3

Communiqué de presse du Réseau Environnement Santé : «Covid-19 : une épidémie peut en cacher une autre (N°5) – Lien confirmé avec l’obésité » (23 avril 2020)

http://www.reseau-environnement-sante.fr/wp-content/uploads/2020/04/CP-RES-COVID-19-Ob%C3%A9sit%C3%A9-Pollution-15-avril-2020.pdf

4

Rapport de l’Organisation mondiale de la Santé : « Global assessment of the State-of-the-science of endoctrine disruptors » (2002)

https://www.who.int/ipcs/publications/new_issues/endocrine_disruptors/en/

5

Un article de Gilles Nalbone, André Cicolella, Sylvie Laot-Cabon : « Perturbateurs endocriniens et maladies métaboliques : un défi majeur en santé publique », dans Santé Publique 2013/1 (Vol. 25), pages 45 à 49.

https://doi.org/10.3917/spub.131.0045

6

Un article de Thaddeus T. Schug, Amanda Janesick, Bruce Blumberg, et Jerrold J. Heindel : « Endocrine disrupting chemicals and disease susceptibility », dans The Journal of Steroid Biochemistry and Molecular Biology, Volume 127, Issues 3–5, November 2011, Pages 204-215.

https://doi.org/10.1016/j.jsbmb.2011.08.007

7

OFSP, page web « Nouveau coronavirus : personnes vulnérables » :

https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/krankheiten/ausbrueche-epidemien-pandemien/aktuelle-ausbrueche-epidemien/novel-cov/besonders-gefaehrdete-menschen.html

8

André Cicolella est chimiste toxicologue, cofondateur et président du Réseau environnement santé qui est à l'origine notamment de l'interdiction du bisphénol A dans les biberons et les contenants alimentaires.

9

Propos d’André Cicolella dans un article de Reporterre intitulé « La pollution nous rend plus vulnérables au coronavirus » (18 mars 2020)

https://reporterre.net/La-pollution-nous-rend-plus-vulnerables-au-coronavirus

10

Récents postulat, motion et interpellations liés aux PE :

a)   Postulat : « Etat des lieux et mesures potentielles pour réduire la pollution intérieure » (déposé le 05.03.2018 par Adèle Thorens Goumaz)

https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20183060

b)  Motion : « Pour une meilleure information sur les substances à risque présentes dans les cosmétiques et objets usuels » (déposée le 26.09.2019 par Mathias Reynard)

https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20194198

c)   Interpellation « Substances à risque dans les cosmétiques et les objets usuels. Quelle stratégie du Conseil fédéral ? (le 26.09.2019 par Lisa Mazzone)

https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20194231

d)  Interpellation : « Une étude recommande à l'UE de mieux protéger la population des perturbateurs endocriniens. Que fait la Suisse ? » (le 26.09.2019 par Adèle Thorens Goumaz)

https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20194224

e)  Interpellation : « Perturbateurs endocriniens. Quelles connaissances pour quelle stratégie ? » (le 23.09.2019 par Isabelle Chevalley)

https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20194101

f)    Interpellation : « Vente des produits de maquillage pour les enfants. Une réglementation plus stricte s'impose » (le 11.06.2019 par Nicolas Rochat Fernandez)

https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20193578

11

Liste des activités de la « Stratégie Santé 2020 » :

https://www.g2020-info.admin.ch/fr

12

Factsheet de l’Office fédéral de la santé publique : « Biosurveillance humaine (BSH) » :

https://www.g2020-info.admin.ch/fr/create-pdf/?project_id=12

13

Fiche information sur les perturbateurs endocriniens, publiée par le groupe de travail interdépartemental (OFSP, OFEV, OSAV, OFAG, SECO, Swissmedic, SUVA) (dernière mise à jour : décembre 2019) :
https://www.bag.admin.ch/dam/bag/fr/dokumente/chem/themen-a-z/factsheet-endokrine-disruptoren.pdf.download.pdf/2017-id-factsheet_perturbateurs-endocriniens.pdf

14

Programme de sensibilisation et d’actions spécifiques afin de limiter l’exposition des enfants aux perturbateurs endocriniens dans les centres de vie enfantine (CVE), développé par la Ville de Lausanne, en collaboration avec ToxicFree.

Page dédiée sur le site de la Ville de Lausanne :

https://www.lausanne.ch/portrait/durabilite/developpement-durable/developpement-durable/ville-durable/promotion-de-la-sante-redirection/perturbateurs-endocriniens;jsessionid=FDFBE031EE146F491EDA960B0641558D

Page dédiée sur le site de ToxicFree :

https://www.toxicfree.ch/documentation/guide-cve/